La Locomotive et la Phalène
Elle serait là, si lourde
Avec son ventre de sombrefer
Et ses volants de laiton
Ses tubes d'eau et de fièvre
Elle courrait sur ses rails
Comme la mort à la guerre
Comme l'ombre dans les yeux
Il y a tant de travail
Tant et tant de coups de lime
Tant de peine et de douleurs
Tant de colère et d'ardeur
Et il y a tant d'années
Tant de visions entassées
De volonté ramassée
De blessures et d'orgueils
Métal arraché au sol
Martyrisé par la flamme
Plié, tourmenté, crevé
Tordu en forme de rêve
Il y a la sueur des âges
Enfermée dans cette cage
Dix et cent mille ans d'attente
Et de gaucherie vaincue
S'il restait
Une phalène
Et une locomotive
Et moi seul dans le canyon
Avec la phalène et le chose
Et si l'on disait choisis
Que ferais-je, que ferais-je
Elle aurait une trompe menue
Comme il sied aux cramoisaile
Deux boules à facettes brillantes pour yeux
Un petit ventre dodu
Je le tiendrais dans ma main
Et son coeur battrait si vite...
Tout autour, la fin du monde
En deux cent douze épisodes
Elle aurait des ailes miroirs
Un peu de cuivre au thorax
Et ses fines pattes sèches
Poudre étrange sur les ailes
Allons, que garderez vous
Car il faut que tout périsse
Mais pour vos loyaux services
On vous laisse conserver
Un unique échantillon
Comotive ou papillon
Tout reprendre à son début
Tous ces lourds secrets perdus
Toute science abattue
Si je laisse la machine
Mais ses écailles sont si petites
Et son coeur battrait si vite
Que je garderais la phalène.
Modifié par 𝕯𝖆̀𝖑
3 Commentaires
Commentaires recommandés